L’Algérie franchit une nouvelle étape dans le dossier mémoriel lié à la colonisation française. L’Assemblée populaire nationale (APN), chambre basse du Parlement, s’apprête à examiner une proposition de loi visant à criminaliser l’ensemble des faits liés à la présence coloniale française en Algérie entre 1830 et 1962. Le texte sera débattu en séance plénière dimanche 21 décembre.

Élaborée par une commission regroupant des députés issus de plusieurs formations politiques, la proposition sera présentée officiellement avant l’examen de son rapport préliminaire et les prises de parole des présidents des groupes parlementaires, conformément au programme de l’APN.

Le projet de loi comprend 54 articles. Il qualifie notamment les opérations militaires menées par la France coloniale de crimes contre l’humanité, affirme leur caractère imprescriptible et ouvre la voie à des demandes de réparation pour les préjudices matériels et moraux. Ces actions pourraient être engagées par l’État algérien, des associations ou des individus.

Le texte prévoit également que l’Algérie s’abstienne de conclure tout accord avec la France tant que la reconnaissance officielle des crimes coloniaux n’est pas actée. Pour plusieurs historiens, cette initiative constitue un acte de justice historique face aux tentatives de banalisation ou de réécriture du passé colonial par certains courants politiques français. Ils rappellent que les exactions commises, notamment la confiscation des terres, les déplacements forcés et la répression violente des résistances, restent au cœur du contentieux mémoriel.

L’idée de légiférer sur les crimes du colonialisme n’est pas nouvelle en Algérie. Elle remonte à 1984, sous le régime du parti unique. D’autres tentatives ont été menées en 2001, 2005, 2006, 2017, 2020 et 2021, sans jamais aboutir à l’adoption d’un texte.

Plus récemment, le 30 novembre, le ministre algérien des Affaires étrangères, Ahmed Attaf, a appelé à une criminalisation du colonialisme à l’échelle africaine. S’exprimant à Alger à l’ouverture d’une conférence internationale consacrée aux crimes coloniaux, il a dénoncé une entreprise d’extermination et de pillage des richesses africaines, estimant qu’il est temps de condamner le colonialisme dans sa globalité. Il a également réaffirmé le droit des peuples africains à exiger reconnaissance, indemnisation et restitution des biens spoliés.

Cette initiative parlementaire intervient dans un contexte diplomatique tendu entre Alger et Paris. Les relations entre les deux pays sont marquées par une crise persistante depuis l’été 2024, sur fond de désaccords profonds liés au passé colonial. L’Algérie réclame depuis des décennies une reconnaissance officielle des crimes commis durant la période coloniale, une demande qui n’a jusqu’ici pas trouvé d’écho favorable du côté français.