Devant les députés  et en présence de son homologue du Sénégal, Malick N’Diaye, invité d’honneur, le Président de l’Assemblée nationale du Bénin, Docteur Louis Gbehounou VLAVONOU, a ouvert la deuxième session ordinaire de 2025 sur une note d’espérance et de lucidité. Dans un contexte politique et sous-régional sensible, il a livré un discours à la fois profond, humaniste et porteur de vision.

Entre hommage, mémoire, philosophie et responsabilité politique, le Président VLAVONOU a appelé les parlementaires à défendre la stabilité du Bénin, à promouvoir la paix et le dialogue et à renforcer la coopération interparlementaire africaine pour une intégration sincère et durable.

Discours d'ouverture de la deuxième session ordinaire de l'année 2025 de l'Assemblée nationale, prononcé par le Président de l'Assemblée nationale Dr Louis Gbèhounou Vlavonou

Mesdames et Messieurs ;Vous me permettrez, avant tout propos, de rendre grâce à Dieu, Le Tout-puissant et Le Très Miséricordieux, maître suprême de nos vies et de nos destins, pour nous avoir accordé la faveur d’être réunis ici ce jour, dans le cadre de la présente rentrée parlementaire que je voudrais, comme de coutume, placer sous sa bienveillante protection.

Je voudrais ensuite saluer Monsieur Malick N’DIAYE, le Président de l’Assemblée nationale du Sénégal, dont la présence parmi nous, contribue manifestement à rehausser l’éclat de cette cérémonie solennelle d’ouverture de la deuxième session ordinaire de l’année 2025. Je présume qu’il a dû bousculer son agenda à cet effet, car je sais qu’il vient de rentrer de la 151ème Assemblée générale de l’Union interparlementaire qui s’est tenue à son siège à Genève, il y a à peine une semaine.Monsieur le Président et très cher frère,

Je voudrais surtout vous remercier, très sincèrement, au nom de la Représentation nationale du Bénin et en mon nom propre, pour l’important message d’amitié et de fraternité qu’il vous a plu de délivrer au peuple béninois à travers ses représentants que nous sommes, au nom du peuple frère et ami du Sénégal. Je ne doute point qu’il ait été fort apprécié par ce dernier.

Par ailleurs, votre arrivée au Bénin, après la bien récente visite de travail effectué, les 15 & 16 juillet dernier, par le Président du Sénégal, Son Excellence Monsieur Bassirou Diomaye FAYE, est la preuve, s’il en était encore besoin, de l’excellence des relations d’amitié et de solidarité fraternelle qui existent, si heureusement, entre votre cher pays, le Sénégal et le Bénin et qui continueront toujours d’exister entre ces deux pays et leurs peuples respectifs.

J’en ai l’assurance au regard de leur longue histoire commune qui remonte à la période de l’esclavage, en passant par la colonisation et le regroupement au sein de l’ex-Afrique occidentale française (AOF) dont votre beau pays était justement la tête de pont, la formation des premières élites béninoises à la célèbre Ecole normale William-Ponty du Sénégal, leur engagement, aux côtés de leurs frères et sœurs sénégalais, dans les premières formations politiques à vocation panafricaine créées à Dakar et, aujourd’hui, l’appartenance commune à quelques organisations régionales et sous régionales. Et comment oublier le parallèle entre Ouidah et l’Île de Gorée que j’ai eu le privilège de visiter il y a quelque temps !C’est un événement d’autant plus heureux qu’il intervient dans un contexte sous régional marqué par des tensions diplomatiques entre certains Etats, créant par ailleurs, un profond malaise au sein des organisations sous régionales, sur fond d’expansion du terrorisme et de l’extrémisme violent qui déstabilisent notre sous-région.

A cet égard, j’estime très humblement qu’en tant que dirigeants, nous avons l’impérieux devoir de multiplier les initiatives du genre, en ce qu’elles visent à renforcer la proximité et la solidarité entre nos peuples respectifs actuellement désemparés, et à leur permettre de s’attaquer, résolument et victorieusement, aux vrais problèmes qui entravent leur épanouissement intégral, notamment : la faim, la pauvreté et l’insécurité, entre autres.

Parlant d’intégration africaine, celle conduite par les dirigeants politiques qu’on appelle « intégration par le haut », consiste à confier les rênes de l’intégration à la classe politique : dirigeants politiques et leaders d’opinion en sont considérés comme les acteurs privilégiés.L’intégration par le haut est surtout prônée par les panafricanistes. Avant et après les indépendances, un certain nombre de personnes parmi les élites africaines, convaincues, à l’instar de Kwame N’Krumah, que pour sortir du sous-développement, l’Afrique doit s’unir, rêvent d’une Afrique une et indivisible, sans frontières, dirigée par un seul chef. Pour ces panafricanistes, l’émiettement du continent étant la cause de ses problèmes économiques et de sa faiblesse politique, la création d’une fédération regroupant tous les pays et fédérant les ressources humaines et naturelles permettrait aux Africains de se faire entendre sur la scène mondiale.

Cette idée, à dire vrai, ne manque pas d’humanisme ; elle est une réponse au désir de fraternité naturelle qui anime les peuples ayant traversé les mêmes épreuves. Et les épreuves, les africains en ont connues. Traite négrière, invasions étrangères, colonisation, néocolonialisme, autant de brûlures qui ont jalonné l’histoire du continent. Et le cri de cœur de N’Krumah, « l’Afrique doit s’unir », sonne comme un écho lointain de « Prolétaires de tous les pays, unissez-vous ! » de Karl Marx.Si l’idée du panafricanisme séduit beaucoup de personnes, la traduire en acte, la faire passer du monde des idées à celui des existences, paraît cependant difficile. À preuve, la Fédération du Mali, regroupant le Sénégal et le Mali, initiée par les présidents sénégalais Léopold Sédar SENGHOR et malien Modibo KEÏTA, de regrettées mémoires, Fédération que l’on peut considérer comme la phase expérimentale où l’état embryonnaire des « États-Unis d’Afrique », a volé en éclats peu de temps après sa création.

Ces faits donnent à réfléchir. Sans connaitre les tenants et les aboutissants de la rupture, on comprend déjà que, dans l’optique d’une union, des dissensions ne sont pas à exclure entre les Chefs d’État africains, toutes choses qui remettent en cause l’idée d’une intégration par le haut. La raison de ces dissensions est à chercher dans le fait que chaque dirigeant africain est, au sens où l’entend Machiavel, un prince, c’est-à-dire un souverain qui exerce un pouvoir réel et tient à le conserver. Dans ces conditions, céder une partie de la souveraineté nationale, comme cela est inévitable dans tout regroupement d’États, est une pilule difficile à avaler.

En général, « les gouvernements ne sont pas prêts à subordonner les intérêts immédiats des politiques nationales aux objectifs économiques à long terme de la région, (ce qui aurait pourtant des résultats positifs bien plus importantes pour la situation générale du pays à long terme) ou à céder les aspects essentiels de la souveraineté de l’État et des institutions régionales ». Tant et si bien que certains dirigeants n’hésitent pas, à cet effet, à manipuler leur opinion nationale au nom d’un nationalisme douteux. Prétextant œuvrer pour l’indépendance totale du pays et la défense de ses intérêts face au capitalisme international et à la convoitise des pays voisins, ils rechignent à appliquer les traités et accords sous-régionaux, régionaux et continentaux.

Ces réticences, qui sont en fait des ‘’ résistances’’, au sens freudien de refus obstiné d’admettre une vérité pourtant établie, indiquent que la classe politique africaine n’est pas, pour l’intégration du continent, un fondement certain. Dans la dialectique du maitre et de l’esclave, Hegel montre que lorsque deux consciences se rencontrent, chacune cherche à se faire reconnaitre par l’autre. Se faire reconnaitre par l’autre, c’est nier l’autre comme désir, chercher à lui imposer son désir. Il en résulte donc un conflit, chaque conscience limitant l’autre en lui résistant. Au terme de ce conflit, l’une des consciences, risquant jusqu’au bout sa vie, sera victorieuse, et deviendra maitre, l’autre, qui a choisi de vivre, sera esclave. Tout finit donc par entrer dans l’ordre.A une situation originairement de belligérance, se substitue un climat de paix, conséquence de la résorption des contradictions. Les rapports entre chefs d’Etats en Afrique, à quelques exceptions près, ressemblent à celle qui prévalent entre deux consciences dans la dialectique du maitre et de l’esclave.

Derrière les sourires affichés lors des sommets et autres rencontres, derrière les poignées de mains échangés devant les caméras, existent des rivalités tenaces. Si, chez Hegel, le conflit fait place à une situation de paix, les rivalités entre dirigeants politiques en Afrique s’estompent rarement. Elles ont même tendance à se multiplier.

Je voudrais vous remercier également, Mesdames et Messieurs les Présidents des Institutions de la République du Bénin ainsi que les membres du Gouvernement et autres autorités politiques et administratives ici rassemblées, tous échelons confondus, pour votre présence accoutumée aux cérémonies d’ouverture solennelle des sessions ordinaires de l’Assemblée nationale ainsi que votre soutien de toujours à l’institution parlementaire que j’ai le bonheur et l’immense privilège de diriger depuis bientôt sept (07) ans.Il me vient à l’esprit de redire aux Présidents d’institutions, avec la solennité qui y est attachée, ce que je leur avais écrit, il n’y a pas si longtemps. Je cite : William Arthur Word, un écrivain américain disait que : « Ressentir de la gratitude et ne pas l’exprimer, c’est comme emballer un cadeau et ne pas l’offrir ». La justesse de ces mots me propulse hors du confort du silence afin de déballer toute la charge de gratitude dont est gorgée mon âme en ce moment. Même si cela ne promet pas une verve sensationnelle et n’accouchera que de balbutiements émus, le cœur m’en dicte le devoir avec l’espérance que le fond au moins saura par tous, être plus apprécié que la forme.Une fois encore, gratitude infinie pour l’ambiance qui règne en notre sein.Mes sincères gratitudes à leurs Excellences Mesdames et Messieurs les membres des corps diplomatique et consulaire, les représentants des organisations internationales de même que tous les partenaires techniques et financiers pour leur amitié et leur soutien très appréciés au développement du Bénin.

Comme nous tendons lentement mais sûrement vers la fin de cette législature, permettez-moi de vous remercier mes chers collègues, pour votre assiduité aux travaux et la qualité des débats parlementaires. C’est tout à votre honneur et mon souhait le plus ardent est que cette attitude soit maintenue jusqu’à la fin des travaux qui démarrent ce jour. J’y associe, bien entendu, toute l’administration parlementaire ainsi que le groupement de sécurité dont la présence nous a toujours permis de travailler en toute quiétude, surtout par les temps qui courent !Distingués Invités,

Mesdames et Messieurs,

Avant de poursuivre, je voudrais me souvenir de nos anciens collègues Députés qui récemment ont répondu à l’appel du Seigneur. Il s’agit des Honorables Jean Claude Hounkponou (2ème et 4ème législature) décédé le 11 octobre 2025, Sabi soulé Moussa (5ème et 6ème législatures) décédé le 14 octobre 2025, Ramatou Baba Moussa (1ère législature) décédée le 18 octobre 2025, Sabaï Katé (7ème législature) décédé le 20 octobre 2025, Boubacar Mamadou Djaouga (6ème législature) décédé le 22 octobre 2025. Paix éternelle à leurs âmes et je réitère les sincères condoléances de la Représentation nationale aux familles éplorées et à l’ensemble du peuple béninois. L’Assemblée nationale reste reconnaissante de toutes leurs œuvres au service de notre cher pays, le Bénin. Mesdames et Messieurs, je vous prie de bien vouloir vous lever pour observer une minute de silence en mémoire de ces illustres disparus.Merci.Distingués invités,

Mesdames et Messieurs,

La présente session ordinaire, la toute dernière au titre de la neuvième législature de notre Parlement est considérée à juste titre comme une législature de transition en raison de sa courte durée et du pont qu’elle constitue vers une législature plus longue et en harmonie avec la durée des mandatures des autres institutions de la République.

Certes, elle sera prioritairement consacrée à l’examen et au vote du projet de loi de finances au titre de la gestion 2026 que le gouvernement nous a transmis dans les délais prescrits ; mais elle nous permettra aussi, dans la mesure du possible, de poursuivre et de parfaire l’exaltante œuvre de réformes politiques et de modernisation du fonctionnement de nos différentes institutions à laquelle nous sommes attelés depuis bientôt trois ans.

Mesdames et Messieurs les Députés, chers collègues,

A l’ordre du jour de la présente session dite budgétaire et qui s’ouvre dans un contexte de fébrilité au sein de tous les états-majors des partis politiques activement engagés dans les préparatifs des échéances capitales de l’année électorale 2026.

Je n’ignore pas les préoccupations suscitées par les récents développements liés à la participation de certaines formations politiques au scrutin présidentiel à venir. Sans juger ni commenter, il nous revient, à nous représentants du peuple, de garder la tête froide, la parole juste et le cœur grandement ouvert. Car la démocratie n’est pas seulement une compétition pour le pouvoir, elle est aussi et surtout un espace de dialogue, de respect mutuel, de tolérance et de foi en la République.

Je ne veux ni pleurer sur le lait renversé, ni me réjouir du sort des uns ou des autres. Le contexte exige plutôt de chacun de nous un sursaut de responsabilité et de patriotisme. Nous devons, ensemble, préserver ce bien commun qu’est la paix, garantir la stabilité de nos institutions et faire en sorte que la confiance du peuple en la démocratie béninoise ne soit jamais ébranlée.

C’est dans cet esprit que je voudrais saluer la hauteur d’esprit et la dignité républicaine de Me Renaud AGBODJO, dont la récente déclaration à la suite de la décision de la Cour constitutionnelle honore le débat public béninois. En dépit de la déception légitime qui aurait pu nourrir la rancune ou la révolte, il a choisi la voie du pardon, de la tempérance et de la paix. Son appel vibrant à rejeter toute forme de violence et à préserver la concorde nationale doit être entendu et relayé par chacun de nous, acteurs politiques, institutionnels et citoyens.

Au-delà de son retrait momentané de la scène politique, son attitude nous enseigne que l’amour du Bénin doit toujours transcender les ambitions et les contingences partisanes. Ce geste de sagesse et de retenue participe pleinement à la consolidation de notre démocratie et rappelle à tous que la paix n’est pas une option, mais une responsabilité partagée.

L’histoire nous regarde, et les générations futures jugeront notre capacité à transcender les divergences pour bâtir un Bénin toujours plus juste, plus uni et plus émergent. Et comme le disait si bien le Pape François, de lumineuse mémoire : « Ce n’est pas la culture de l’affrontement, la culture du conflit, qui construit la vie collective dans un peuple et entre les peuples, mais celle-ci : la culture de la rencontre, la culture du dialogue : c’est l’unique voie pour la paix ». (Angélus du 1er septembre 2013)C’est sur cette note d’optimisme qu’en remerciant, une fois encore, les uns et les autres pour leur présence très appréciée à cette cérémonie solennelle qui consacre la rentrée parlementaire, je déclare ouverte ce jour, 31 octobre 2025, la deuxième session ordinaire de notre Parlement au titre de l’année en cours.

Vive les relations inter parlementaires

Vive le Sénégal

Vive le Bénin,

Plein succès à nos travaux,

Je vous remercie pour votre aimable attention.