Alors que les tensions diplomatiques entre Ouagadougou et Cotonou persistent depuis trois ans, à l'instar de la situation avec le Niger, la récente sortie télévisée du président burkinabè Ibrahim Traoré suggère un possible apaisement. Son ton inédit évoquant une coopération militaire malgré les différends politiques ouvre-t-il la voie à une réconciliation ?


Depuis le coup d'État de septembre 2022, les relations entre le Burkina Faso et le Bénin sont restées tendues. Le régime burkinabè, à l'instar de celui du Niger, reprochait aux autorités béninoises de coopérer avec des pays occidentaux hostiles à l'Alliance des États du Sahel (AES). Des tensions qui s'inscrient dans un contexte régional plus large de défiance entre les pays de l'AES et certains États côtiers.


Un changement de ton notable

Dans sa sortie télévisée de dimanche soir, le président Ibrahim Traoré a pour la première fois évoqué l'existence d'une forme de coopération entre les armées des deux pays, malgré les profonds désaccords politiques. Ce changement de ton marque une rupture significative avec les discours précédents.

Un changement net de ton qui pourrait s'apparenter à une désescalade verbale. Le chef de l'État burkinabè a par ailleurs semblé vouloir recentrer ses critiques sur la Côte d'Ivoire. Il a accusé Abidjan de manière plus appuyée de conclure des "pactes de non-agression" avec des groupes terroristes, d'héberger et d'entretenir des ennemis de Ouagadougou". Ce déplacement de discours critique pourrait indiquer une volonté de normalisation avec le Bénin.


Les bases d'une possible réconciliation

Plusieurs facteurs structurels pourraient faciliter une normalisation entre les deux pays à savoir :

. Les nombreuses récentes victoires tactiques de l'armée béninoise dans l'opération Mirador et l'attitude du pouvoir béninois qui opte pour l'absence de réplique face aux accusations de ses voisins.

· L'impératif sécuritaire face au terrorisme. Le Burkina Faso, le Mali et le Niger figurent parmi les cinq pays les plus touchés par le terrorisme selon le Global Terrorism Index 2025. Cette menace commune pousse l'opinion à faire pression pour la coopération militaire.

· Les cadres de coopération existants comme le Conseil de l'Entente dont les deux pays sont membres.

· Les canaux discrets de communication comme ce qu'offre le Conseil de l'Entente, perçu comme un partenaire et qui a déjà organisé des réunions de sécurité incluant les deux pays.


Les défis à surmonter

La route vers une normalisation complète reste néanmoins semée d'embûches. La profonde défiance politique née des accusations de coopération avec des puissances hostiles à l'AES ne s'effacera pas facilement.

Par ailleurs, l'engagement du Burkina Faso dans l'AES, alliance anti-occidentale affirmée, pourrait limiter sa marge de manœuvre dans un rapprochement avec le Bénin, perçu comme plus proche des positions occidentales.

 Enfin, la situation sécuritaire elle-même reste un facteur de tension potentiel, notamment si des groupes terroristes venaient à exploiter les failles de coordination entre les deux pays.

Si le changement de ton du président Traoré ouvre une fenêtre d'opportunité, la normalisation durable des relations entre le Burkina Faso et le Bénin dépendra de la capacité des deux parties à transformer cette ouverture verbale en actions concrètes de coopération, particulièrement dans le domaine sécuritaire où leurs intérêts convergent.