Les Etats d’Afrique sont « balkanisés » à l’aune des indépendances, soutient Dr. Ckeikh Tidiane Gadio, ancien ministre d'Etat, ministre des Affaires étrangères du Sénégal. Face aux enjeux actuels du continent, le Président de l'Institut Panafricain de stratégies, paix, sécurité et gouvernance propose une mutualisation des souverainetés africaines. Pour l’ancien vice-président de l'Assemblée nationale sénégalaise, il ne s’agit pas de renier un ancien maître au profit d’un nouveau. Nous l'avons rencontré à Cotonou en mai 2025, en marge de la sixième Conférence internationale Afrique.

Q/ Vous estimez que « le panafricanisme est du féminisme ». Que peut-on y comprendre concrètement ?

R/ Dr Ckeikh Tidiane Gadio : C'est très important comme question, parce que c'est une dimension qui n'est pas beaucoup abordée. Beaucoup de gens croient que les héros du panafricanisme, les grands leaders du panafricanisme, c'est Marcus Garvey, Kwame Nkrumah, avant ça, Sylvester Williams de Trinité-et-Tobago. Et par la suite, ils ont vu les Cheikh Anta Diop, Léopold Senghor, Sekou Touré, Modibo Keita, etc. Pour eux, le panafricanisme a une figure ou une incarnation masculine. Mais la vérité, c'est que, et ça, c'est la femme de Cheikh Anta Diop (Louise Marie Maes), qui m'a beaucoup édifié sur cette question, le rôle des femmes africaines pour sauver le continent africain et sauver sa population. Elle était géographe, mais elle faisait de la géographie humaine, l'étude des populations.

Au XIXe siècle, des gens ont spéculé sur l'hémorragie qui a été faite au continent africain. Prendre les plus solides, les mieux portants et les déporter, les mettre dans des champs de canne à sucre, les massacrer, les maltraiter, leur enlever leur langue, leur culture, les dépersonnaliser, etc. Les gens avaient pensé que l'Afrique risquait de péricliter et que, peut-être même, les Africains risquaient de disparaître. On est là, plus d'un milliard d'Africains. Aussi bien dans la peur de l'esclavage, ce qu'on appelait les Africains esclavagisés - moi, je ne dis jamais les esclaves africains parce qu'ils n'étaient pas des esclaves.

Le colon est venu avec la force, les armes, la puissance, la victoire militaire et, bien entendu, plus soutenu par les trahisons et collaborations internes à l'Afrique. Ces Africains, on les a dominés, subjugués, attachés et déportés. Ce sont des êtres humains à part entière qui ont vécu ces conditions. Mais la femme de Cheikh Anta Diop rappelle que les femmes, même pendant l'esclavage, ceux qu'on a massacrés comme hommes africains au Brésil, aux États-Unis, dans les Caraïbes, souvent, ce sont nos femmes qui tenaient. Maintenant, ici, en Afrique même, toute la résilience des Africains est essentiellement fondée sur la résilience des femmes.

70% de l'agriculture en Afrique est assurée par les femmes. Et les hommes pensent que ce sont eux qui assurent la nourriture, qui s'occupent de la famille, etc. Nos mamans sont les dernières à aller se coucher et les premières à se lever. Elles gèrent toute la maison jusqu'à une heure du matin, puis elles vont dormir. A quatre heures du matin déjà elles sont sur pied. C'est pour ça que certaines de nos mamans n'ont pas vécu longtemps. Elles sont parties trop jeunes. Précisément parce qu'elles ont tout donné à leur famille. Donc nous devons tout à ces femmes.

Maintenant, du point de vue des noms, il y a les sœurs Nardal. J’ai découvert leur histoire il n'y a pas longtemps. Elles avaient une maison littéraire où elles accueillaient les intellectuels africains. Senghor, Aimé Césaire et bien d'autres sont passés là-bas pour des discussions intellectuelles littéraires. Ce sont ces femmes-là qui ont, d'après l'histoire, développé le concept de négritude, valorisé les Africains dans leur couleur de peau, dans leur histoire, leur art, leur culture, leur poésie et tout ça. Plus tard, quand on a salué la négritude, on a oublié de les mentionner. Ça aussi, ce sont les hommes qui sont capables de réviser l'histoire et d'invisibiliser les femmes. Il faut le dénoncer.

En Afrique de l'Ouest, il y a une de nos mamans que j'ai connue un peu plus tard aussi. Il s’agit de Jeanne Martin Cissé. Elle était venue étudier au Sénégal venant de Guinée. Cette dame était magnifique. Elle a mené le combat pour l'indépendance du Sénégal parce qu'elle était révolutionnaire, panafricaniste. Contrairement au Sénégal, son pays d'origine a pris son indépendance plus tôt en 1958. Elle est retournée en Guinée. Sékou Touré l’a alors nommée ambassadrice aux Nations Unies. Il se trouve qu'elle est la première femme au monde à présider le Conseil de sécurité des Nations unies. Elle avait demandé que Miriam Makeba soit invitée depuis l'Afrique du Sud pour faire une déclaration à l'Assemblée générale des Nations Unies.

Cela a été un grand boost, un grand soutien à la relance du combat contre l'apartheid. Cette femme, elle est restée panafricaniste jusqu'à sa mort. J'ai eu la chance de la connaître et de temps en temps d'avoir des coups de fil avec elle. Elle m'encourageait : « Mon fils, ne lâchez jamais le panafricanisme. Je vous ai écouté dans tel élément, dans telle vidéo, continuez le combat. » Quand elle est décédée, je suis allé en Guinée présenter mes condoléances. Le fils de Sekou Touré m'a amené au cimetière pour aller me recueillir. Et arrivé là-bas, il ouvre le mausolée de son père. On entre dans le mausolée et qu'est-ce que je vois ? Sékou Touré, Samory Touré et au milieu, Jeanne Martin Cissé. C'était magnifique.

Il y a une grande dame qui s'appelle Awa Keita, du Mali, une des plus grandes panafricanistes, compagne de Modibo Keïta. Elle a mené un immense combat pour la libération des femmes de l'Afrique en général, très engagée comme femme panafricaine, qui voulait l'unité de l'Afrique. Au Sénégal, on a Adja Rose Basse. 1959, Congrès de Cotonou, les hommes ne voulaient pas y assister de peur d’être confrontés à la question de la raison pour laquelle ils souhaitaient l’indépendance de leur pays. Il paraît qu’ils étaient assez craintifs. Adja Rose Basse y est allée, elle a lu le discours demandant l'indépendance du Sénégal. Elle n'a pas été célèbre dans son pays. Les gens ne la connaissent presque pas. C’est pour cette raison que je soutiens qu’un vrai panafricaniste est forcément un féministe. C'est quelqu'un qui comprend et qui respecte le rôle fondamental, le rôle de pilier de la femme africaine et ce que toutes ces femmes ont fait pour notre peuple et pour notre survie, en tant que peuple.

L’Afrique, de votre point de vue est « hyper balkanisée ». Cela renvoie à quoi ?

Le premier acte qui a été posé contre l'Afrique, c'était sa balkanisation. C'est-à-dire que des gens nous ont trouvés dans une vision du monde des grands ensembles, l'empire du Mandé, qui couvrait beaucoup de pays de l'Afrique de l'Ouest. D'autres grands royaumes du continent, qui ne pouvaient pas rester dans un petit espace territorial, toujours de très grands. On a eu l'Empire du Ghana, l'empire Songhaï, etc. Alors ces gens-là, ils viennent, ils créent leur système colonial. Ils ont d'abord un réflexe de conquérir de grands territoires et de les administrer ensemble.

Il y a l'Afrique occidentale française, l'Afrique équatoriale française, qui se trouvent à être des fédérations. Arrivés à la veille de l'indépendance, ils comprennent que si l'Afrique de l'Ouest, l'Afrique occidentale française va à l'indépendance comme un seul bloc fédéral, ils auront de sérieux problèmes parce que nous sommes riches, avons énormément de ressources, et on avait beaucoup d'intellectuels qui, s'ils avaient mutualisé leurs forces et utilisaient les richesses de l'époque, on pouvait rapidement rejoindre l'Inde ou peut-être la Chine.

L'Afrique équatoriale française, c'est extraordinaire ce qu'il y a comme richesses entre le Congo, Brazzaville, le Gabon, le Cameroun, le Sao Tomé-et-Principe, le Tchad, la République centrafricaine. Ces pays sont extrêmement riches, avec beaucoup de ressources (eau, diamant, etc.). Et si vous ajoutez maintenant, les pays francophones, comme la RDC, le Rwanda, le Burundi, vous avez une puissance mondiale potentielle. Qu'est-ce qu'ils ont fait ? Ils ont découpé en petits morceaux avant de s'en aller. C'est ce que Senghor a appelé « balkanisé ». Donc, ils ont affaibli les Africains, nous ont replacés dans des territoires. Et comme le Sénégal, on se retrouve avec un pays découpé en petits morceaux.

Alors qu'on appartenait à un groupe qui s'appelait l'Empire du Gabou, il y avait la Guinée-Bissau, la Gambie, le Sénégal. Tous ces pays se sont retrouvés anglophones, francophones, lusophones. Et même la Casamance, ils ont essayé de la retirer du Sénégal. Ça n'a pas marché parce qu'on veut rester ensemble, nous tous. Ils ont passé ce premier choc. Senghor a repris le concept de balkanisation en mettant en garde de balkaniser l'Afrique au risque de créer des conflits et guerres autour des frontières. Les colons nous ont fait le coup et, comme chez les Balkans (Europe du Sud), cela a affaibli le développement de l’Afrique. Ils ont tellement réussi leur opération qu'ils pensent que l'Afrique ne doit jamais s'unir et qu'il faut accélérer sa balkanisation.

C'est ce que j'appelle maintenant le processus d'hyper-balkanisation du continent. Rien n'est justifié qu'un John Garang se batte pour l'unité du Soudan, qui était le plus grand territoire africain, 2,5 millions de kilomètres carrés sur les 30 millions de kilomètres du continent africain, la plus grande entité territoriale de l'Afrique. Ils l'ont coupé en deux morceaux. Soi-disant, avec une théorie des Américains soutenue par certains Européens, qu'il faut détacher les chrétiens et animistes du Soudan du Sud du Soudan des musulmans. Depuis qu'ils l'ont fait, le Soudan du Sud est en guerre. 12 millions d'habitants, 4 millions de déplacés, 300 000 morts. C’est où la réussite ?

Le « Soudan musulman » qu'ils ont laissé, se retrouve avec cette guerre. Là où les gens de Darfour sont victimes encore de génocide et pensent eux aussi s'ils ont les moyens de se séparer. Certains disent que la RDC, c'est trop grand, qu’on n'aura jamais la paix tant qu'on ne l'a pas découpée. RDC de l'Est, RDC du Sud, du centre, etc. Ils sont prêts encore à découper la RDC. Il y a même un rapport d'un sénateur américain qui disait que le Nigeria est trop grand, c'est pour ça que ça ne marche pas. Il faut casser le Nigeria en quelques Etats. Le Nigeria du nord, du sud, du centre, de l'est. Alors, si on suit ce processus avec la Somalie, déjà découpée avec Somaliland à côté, plus l'autre Somalie ; le Sénégal, la Casamance, le Mali, l'Azawad, si on continue ce processus, on va partir de 54 États aujourd'hui, peut-être à 80 États. C'est inacceptable.

Quand je vois des Africains qui pensent que ça, ce n'est pas un problème, je vous jure que j'ai mal au cœur. Ce n'est pas de la politique, ce n'est pas de l'histoire. Ils pensent que même, c’est théorique. On nous fait des malheurs comme ça, on nous attaque, on nous émiette, on nous découpe en petits morceaux, comme le disait Cheikh Anta Diop, on crée des États nains, très petits et des États non viables. Ou on crée de grands États, comme le Mali, le Niger avec 1 million de kilomètres carrés. Mais on fait tout pour les affaiblir fondamentalement.

Le Mali est entouré par 7 pays. Aucun accès à la mer, aucun accès à certaines ressources. Donc, on crée des situations comme ça pour affaiblir nos pays. C'est comme si on n'avait pas l'intelligence de le comprendre. Kwame Nkrumah l'a compris. Tous nos grands dirigeants visionnaires ont voulu l'unité de l'Afrique. Je ne comprends pas que notre jeunesse actuelle, même en adhérant au panafricanisme, n’ait pas un discours fédéraliste. Le panafricanisme, ce n'est pas juste la théorie des Noirs qui se retrouvent pour défendre la lutte contre l'esclavage, la réhabilitation des peuples noirs, etc.

Tout ça, c'est très gentil. Mais le vrai panafricanisme, c'est la construction de l'État fédéral africain. Progressivement, les régions s'unissent et on a une confédération des États africains. C'est ce que Nyerere appelait les fédérations primaires. On crée cinq fédérations primaires : l'Afrique du Centre, Nord, Sud, Est, Ouest. On a cinq (5) grands ensemble, après on essaie de les fusionner. Nkrumah, lui disait qu'on venait de créer des États qui n'avaient même pas une histoire étatique, n'avaient pas d'ambassadeur, n'avaient rien.

On venait juste d'accéder à l’indépendance et c’était le moment de ne pas cristalliser les différences, les frontières, avoir toutes sortes de problèmes. On reconnaît à chaque état son entité territoriale, héritée du colonialisme. On le respecte, mais on l'aide à se construire. On s'entraide tous. On crée de grandes universités panafricaines. On crée de grands programmes agricoles. On mutualise l'essentiel. Une armée commune, une diplomatie commune. Imaginez si on avait une diplomatie commune, on aurait un membre permanent au Conseil de sécurité.

Vous voulez avoir 54 ministres des Affaires étrangères africains. Est-ce qu'on ne peut pas avoir un ministre des Affaires étrangères africain, un ministre du commerce de l'Afrique, qui parle au nom de l'Afrique ? Il porte le poids de 1,3 milliard de personnes quand il prend la parole. C'est formidable. Mais quand vous avez 54 ministres du commerce, quand certains veulent vendre notre coton à tel prix, les autres veulent le vendre à un autre prix, passent clandestinement pour fourguer notre coton à leurs amis et tout. C'est ça la catastrophe de l'Afrique.

Donc si on avait écouté, commerce extérieur commun, diplomatie commune, monnaie commune et banque centrale commune, armée commune, citoyennetés communes africaines, on aurait mutualisé ces secteurs. Pour le reste, le Bénin développe son système éducatif, le Togo son système de santé. On s'entraide et chacun garde sa spécificité. Ce qu'ils ne comprennent pas jusqu'à présent, beaucoup d'entre eux, c'est que le fédéralisme ne tue pas la souveraineté des États. Chaque État reste souverain, on mutualise ce qu'on veut, travaille ensemble, gère ensemble, et le reste, chacun développe sa culture, ses valeurs, sa façon de faire.

On garde notre richesse, on ne veut pas harmoniser toutes les cultures africaines pour donner une seule culture. Ce n'est pas possible. Nous avons des milliers de cultures africaines, des milliers de langues. On va garder notre richesse, Mais au plan mondial, devant les interlocuteurs, quand on parle en termes de commerce, de diplomatie, de sécurité, de banque, de monnaie, on parle d'une seule voix. C'est ça, le combat fédéraliste. C'est mon combat.

De cette balkanisation résulterait la difficulté des Etats à faire face collectivement au terrorisme dans le Sahel. Vous dites aussi que « l’Union africaine a mal géré le terrorisme ». Qu’est-ce qui vous fait dire cela et, selon vous, quelles stratégies l’UA peut-elle mener pour endiguer ce fléau ?

Avant que le terrorisme ne se développe réellement en Afrique, les premières tentatives des mouvements terroristes en Afghanistan, dans les pays du Moyen-Orient, l'État islamique avec le Daech, on a tous vu ce qui s'est passé. Les massacres, les tueries, les exécutions, les décapitations, on a tout vu. Des gens qui semblent avoir une idéologie furieuse comme ça, intolérante, comment l'Afrique s'est organisée pour ne pas prévoir ce phénomène et son arrivée éventuelle ? D'autant plus que pendant les années 90, on a eu le premier pays africain qui a connu une guerre civile à cause du terrorisme, c'est l'Algérie.

10 ans de combat contre le terrorisme de l'État algérien, 150 000 à 200 000 morts. L'Afrique n'a appris aucune leçon de cela. Après, il y a le phénomène de la Libye, qui a été créé par les Occidentaux. Ils ont forcé et ils ont dispersé les forces qui étaient en Libye. On se retrouvait avec quoi ? L'effondrement du Sahel, d'abord du Mali et ensuite du reste du Sahel. Ce phénomène-là, même les premiers attentats du terrorisme, c'était au Kenya et en Tanzanie, fin des années 90. Il n'y a pas une réaction africaine. Ce pour quoi je blâme l'Union africaine, c'est que quand quelque chose se passe, si chacun de nos pays fait sa déclaration, cela n'a pas de force. Mais imaginez que toute l'Afrique, debout, comme un seul homme ou une seule femme, fait une déclaration forte et prend ses dispositions. On met en place des forces antiterroristes, des forces spéciales dans tous les pays d'Afrique et on mutualise ces forces-là. On trouve des bases communes où ces forces existent et s'entraînent.

Quand 20, 30, 40 pick-up envahissent le Mali, imaginez si le Togo, le Sénégal, le Bénin, le Nigeria, tous ces pays-là, ensemble, s'étaient levés comme un seul homme ou une seule femme, avec près de 50 000 troupes de soldats d'élite pour entrer au Mali, vous croyez qu'on serait là aujourd'hui à souffrir des massacres des terroristes contre le Bénin ? Aujourd'hui, on dit qu'il y a 40 000 victimes de Boko Haram, 20 000 victimes de terrorisme au Burkina. Mais est-ce que les Africains sont d'accord pour un génocide contre les Africains, qu’on massacre nos populations ? Et si vous discutez avec les gens, c'est comme si ce n'était pas à l'ordre du jour.

À la limite, moi, je les agace un peu en posant ces questions parce que je me demande s'ils ne pensent pas que ce n'est pas aussi important. Il y a même des gens qui disent : « Arrêtez de parler tout le temps du terrorisme, il y a d'autres défis sécuritaires ». Vous vous rendez compte ? Je les respecte, mais je suis ahuri d'entendre des Africains parler ainsi. Aujourd'hui, les massacres, les actes génocidaires contre les Africains, c'est par les mouvements terroristes, prioritairement. Aller jusqu'à Cabo Delgado, ou en Mozambique, aller dans des villages, arrêter 34 personnes, les attacher devant tout le monde et les égorger un par un. Et ça, on nous dit que ce n'est pas du terrorisme ou ce n'est pas important. C'est plus qu'important. La terreur contre les populations africaines.

Nous sommes trop riches pour vivre sur notre or, notre diamant, notre coltan, notre cobalt. Les gens qui en ont besoin plus que nous, veulent nous dégager, peut-être même de ce continent pour le contrôler ou nous faire travailler dans la domination et continuer d'utiliser les richesses de l'Afrique. Le grand défi aujourd'hui de l'Afrique, c'est son leadership. Où sont les leaders africains, comme disait l'autre, qui ont le sens de la mission et le sens du destin, qui sont prêts à faire tous les sacrifices pour que les Africains soient debout et règlent le problème, que les Africains s'organisent et s'unissent, et le fassent dans le cadre d'une union africaine rénovée ? Pas cette Union africaine-là, parce qu'elle ne peut pas gérer les problèmes de l'Afrique.

Les chefs d'État ne donnent aucun pouvoir à l'Union africaine. Les fonctionnaires de l'Union africaine sont comme un secrétariat des chefs d'État qui prennent des instructions, des directives et voilà, les changements anticonstitutionnels continuent, les coups d'État militaire reviennent, les coups d'État électoraux, les coups d'État constitutionnels, on y va dans tous les sens. C'est parce que nous avons des États dont la viabilité dans le long terme est contestable. Donc, je pense, encore une fois que le fédéralisme et le panafricanisme doivent mener à la mutualisation. Mettons nos forces ensemble, nos compétences ensemble, nos expertises ensemble. L'Afrique a tout pour réussir. Une des locomotives de la Renaissance africaine, du renouveau de l'Afrique, c'est la jeunesse africaine. La Chine vieillit, l'Amérique vieillit, l'Europe vieillit et le Japon aussi. Il n'y a que l'Afrique qui a un milliard de jeunes.

Quel message voulez-vous adresser à cette jeunesse africaine sur qui, dites-vous, l’Afrique doit compter ?

Moi, je suis pour la souveraineté de l'Afrique, souveraineté panafricaine. Je vais même jusqu'à dire, mutualisons nos souverainetés pour les défendre ensemble. Parce que si nos souverainetés sont découpées en petits morceaux, on n'ira nulle part. Il faut faire très attention à ce que notre combat pour la souveraineté ne soit pas gangréné par le populisme, qui prétend qu'aujourd'hui, le souverainisme est le moteur du développement de l'Afrique. Je ne respecte pas une telle volonté, une telle démarche, parce que c'est des souverainismes souvent qui sont déjà ancrés vers d'autres tutelles. Vers de nouveaux maîtres.

L'Afrique n'a pas besoin de nouveaux maîtres. On ne change pas l'ancienne tutelle. On ne se bat pas pour rompre avec l'ancienne tutelle, pour prendre notre destin en main, parce qu'on a déjà négocié une nouvelle tutelle qu'on a dans la poche, pour aller ensuite les voir. C'est comme si on leur dit, on a maintenant chassé nos anciens maîtres, venez être nos nouveaux maîtres. Les vrais maîtres de l'Afrique, ça doit être les Africains. Je suis très clair, le combat pour la souveraineté, c'est pour la souveraineté de l'Afrique.

Réalisation Emmanuel M. LOCONON